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Entretien des livres


Signe privilégié de la transmission et de la diffusion de la culture, les livres sont aussi des objets matériels dont il convient d'assurer la préservation. Leur valeur, autre que sentimentale, repose sur des critères précis, largement répertoriés et codifiés par les bibliophiles et les professionnels. L’état bien sûr, mais aussi la provenance, la reliure, l'illustration ou l'édition peuvent ainsi faire varier leur prix dans une échelle de 1 à 10 pour des pièces courantes… Il est donc nécessaire de connaître quelques opérations fondamentales qui préserveront une bibliothèque et lui feront prendre de la valeur avec l’âge.
 
 
Le recensement :
La première opération pour la préservation des livres est l'établissement d'un catalogue simple des ouvrages possédés. Cette liste sera l'élément indispensable à présenter aux experts en cas de sinistre, et aux autorités en cas de vol. Dans ce dernier cas, elle pourra même être diffusée aux libraires de livres anciens, et permettra peut-être d'en récupérer quelques-uns. Cette liste est le seul moyen pour un professionnel de donner une estimation approximative des livres. 
Cette liste doit comporter, pour tous les ouvrages, les informations suivantes:
- nom de l'auteur
- titre de l'ouvrage
- lieu et date d'édition 
- nom de l'éditeur ou de l'imprimeur
- format (hauteur x largeur)
- nombre de volumes, de planches hors-texte et de pages 
- type et couleur de la reliure (papier, carton, cuir, etc.) 
L'idéal est de posséder une photocopie de la page de titre, et de la reliure si elle est décorée ou si elle comporte un blason. 
Il faut bien sûr posséder plusieurs exemplaires de cette liste, déposés dans des endroits divers, afin de palier à toutes éventualités. 
Attention au fait, qu'au même titre que pour l'ISF, les livres rares et anciens sont considérés comme des "œuvres d'art" du point de vue de l'assurance. Il faut donc faire mentionner les bibliothèques dans les polices spécifiques.
 
La préservation :
Avant tout les différents volumes d'un même ouvrage ne doivent jamais être séparés. Le manque d'un des volumes d'un livre faisant perdre toute sa valeur aux volumes restants, quelque soient leur rareté et leur état. Lors d'un déménagement, par exemple, les volumes ne doivent pas être placés dans des caisses ou des envois différents. Dans le même ordre d'idée, lors d'un sinistre, si un seul des volumes est détérioré ou volé, c'est l'ensemble de la série, qui doit être pris en compte pour toute évaluation du préjudice. 
La reliure est sans doute la meilleure façon de protéger un livre broché, cependant certaines règles de base doivent être respectées:
- dans le cas des livres antérieurs à la première guerre mondiale, on préférera toujours une boîte, un étui ou une chemise, si le livre n'est pas abîmé
- il faut veiller à préserver le maximum de marge autour du texte, les exemplaires les plus grands étant les plus précieux 
- il convient de relier l'ensemble du livre, y compris les pages de titre et le catalogue de l'éditeur, les pages blanches du début et de la fin, la couverture elle-même, etc. 
Si le livre comporte des annotations manuscrites, il faut les laisser. En revanche, il faut enlever (et garder à part) les papiers qui ont été placés dans les livres (sauf ceux qui sont reliés). Les coupures de journaux, par exemple, jaunissent largement les pages entre lesquelles elles sont placées et détériorent l'exemplaire. De même les fleurs et feuilles misent anciennement à sécher entre les pages doivent absolument être enlevées, bien que leur pigmentation et leur sève aient bien souvent déjà taché les livres. L'un des pires ennemis du livre est la lumière. Les ouvrages doivent dont être conservés dans une pièce, ou une partie d'une pièce, peu éclairée. La lumière du soleil (et de la lune !) ternie les reliures et les couvertures. La lumière électrique trop violente et directe est aussi dangereuse. Attention notamment aux lampes halogènes. Les ouvrages non reliés sont recouverts de papier "cristal", identique à celui des fleuristes. Ce papier doit être changé lorsqu'il a trop jauni. 
L'humidité cause des dommages irréparables aux livres. On doit veiller à placer les bibliothèques dans les endroits les moins humides possible, et à l'abri d'éventuelles fuites d'eau (canalisations, salle de bains, etc.). Les livres ne doivent jamais être entreposés à même le sol, ni dans une cave. Les caisses en cartons ne sont pas une bonne protection contre l'humidité. En revanche des caisses en bois ou des malles, garnies de film plastique à bulles, permettent d'entreposer les ouvrages qui ne sont pas dans des bibliothèques. 
La poussière est nocive pour les livres. Non seulement elle peut les tacher, mais elle véhicule des agents toxiques pour le papier et surtout de nombreux insectes et vers qui vont manger et piquer les feuillets. La pièce où sont placés les ouvrages doit donc être aérée régulièrement, et les livres doivent être époussetés. Un plumeau passé délicatement sur le haut des livres suffit pour un entretien courant. Lorsque l'on dispose de plus de temps, il faut ouvrir chaque exemplaire, tous les 4 ou 5 ans, et passer un pinceau plat (2 à 4 cm) et souple entre les premières pages et les dernières pages du livre, ainsi qu'entre la couverture et le premier feuillet. 
Il faut aussi éloigner les rongeurs, qui apprécient particulièrement le papier et le cuir. 
Enfin, les bibliothèques ne doivent pas comporter de cheminée ou de poêle utilisés régulièrement. La fumée de feu de bois dépose une fine couche de suie sur les livres, ternie le dos des reliures et encrasse la tête (le haut des feuillets) des ouvrages. 
Les pages abîmées et déchirées ne doivent jamais être réparées au moyen de ruban adhésif. Celui-ci laisse des traces indélébiles en vieillissant. Seul un professionnel de la restauration peut être efficace dans ce domaine, en doublant les pages ou en collant bord à bord les feuillets déchirés.
 
L'entretien :
Seules les reliures en peau peuvent être entretenues spécifiquement par un particulier. Tous les cirages et crèmes pour le cuir sont absolument à proscrire, à l'exception des crèmes spécifiques produites par le CNRS pour la Bibliothèque nationale*. Parmi elles, la Cire 213 qui est utilisée pour toutes les reliures, à l'exception des reliures en peau de vélin (parchemin de couleur ivoire ou blanc le plus souvent). Seule cette cire contient des agents fongicides et insecticides qui protégeront les livres contre le temps, contre les champignons, les bactéries et les insectes. Il existe des cires colorées, mais leur usage est délicat, car elles peuvent teinter les reliures et leur faire perdre irrémédiablement leur couleur d'origine. 
Les reliures en cuir doivent dans un premier temps être dépoussiérées à l'aide d'un chiffon sec. Celles antérieures à 1870 peuvent être nettoyées si nécessaire au savon Brecknel**, au moyen d'une éponge très peu humide. Il faut frotter doucement en cercle, en partant de l'extérieur des plats (la couverture de l'ouvrage) vers le centre. Si des taches subsistent on peut tenter de les faire disparaître en passant uniquement du Brecknel au moyen d'une éponge sèche. On essuie ensuite avec un chiffon sec. 
Une fois que la reliure a été nettoyée, on passe la Cire 213 au moyen d'un chiffon propre, en frottant très légèrement en cercle et à plat. Plus le cuir est granuleux, moins on doit passer de cire, pour éviter que la cire ne s'agglutine entre les grains de la peau. On laisse sécher au moins une heure, puis on fait briller au moyen d'un chiffon sec. Il convient de faire particulièrement attention à ne pas gratter les ors des reliures. Cette opération ne doit pas être renouvelée plus d'une fois tous les deux ans.
 
* Les cires de la Bibliothèque nationale sont disponibles:
- au comptoir de vente de la Bibliothèque nationale (Passage Colbert; 75002 Paris) 
- chez Relma (3, rue des poitevins; 75006 Paris; tél.: 01 43 25 40 52)
 
** Le savon Brecknel est distribué en France par la maison Hermès (24, rue du faubourg Saint-Honoré; 75008 Paris) et ses succursales.