TABLE DES MATIÈRES
Préface de Jean-Noël Cardoux
Introduction
Première partie
La chasse et son évolution sous l'ancien régime
I Droit de chasse, origine, fondement
Évolution de la chasse de l'antiquité au moyen âge
La chasse de la période médiévale à l'époque moderne
II La chasse au XVIIIe siècle : un privilège lié à la noblesse
Le développement de la vénerie et de la chasse à courre
Droit de chasse et justice
Chasse et port d'arme
Chasse et éducation noble
Chasse et consommation de gibier
III Les capitaineries royales de chasse, cadre d'une pratique cynégétique incarnée par la vénerie royale
La création des capitaineries royales de chasse
La vénerie royale
Une société particulière
Finances et organisation de la vénerie royale
IV Le fonctionnement quotidien des capitaineries royales
L'étendue des capitaineries en Île-de-France au XVIIIe siècle
Le personnel et le fonctionnement des capitaineries
Le capitaine
Le personnel d'encadrement des capitaineries royales
Les gardes-chasse des capitaineries royales
Les finances des capitaineries
Le fonctionnement des capitaineries et leurs règlements
L'interdiction de la chasse
Les restrictions en matière d'armes à feu et d'appareils de capture
Une commercialisation contrôlée du gibier complète ce dispositif
Ces restrictions générales s'accompagnent de lourdes contraintes en matière de pratiques agricoles
Les remises à gibier
V Le déroulement des chasses royales
Pratiques et déplacements annuels de la vénerie royale
Un fonctionnement abusif détourne les capitaineries de leur rôle
VI Braconnage et tolérances officieuses
Un braconnage endémique
Un délit pluriel qui revêt différentes formes
Un délit mineur : occasion et opportunité
Un délit de braconnage prémédité mais restreint
Le braconnage organisé, source de revenu ou de plaisir
Le cas particulier du braconnage rémunérateur, œuvre d'une sociabilité originale
Des outils adaptés
Des organisations bien rodées
Le marché du gibier, ses prix, sa taxation
VII Répression et sanction du braconnage
La lutte contre le braconnage
Les procès-verbaux et leurs enseignements
Analyse des procès et amendes
Un exemple de jugement pour braconnage
Le braconnage dans les parcs du château de Versailles
La sanction du braconnage
VIII La pratique quasi tolérée d'une chasse non noble sous l'ancien régime
Deuxième partie
Protestations, cahiers de doléances et fièvres populaires
I Plaintes, requêtes et murmures avant-coureurs
Les dégâts de gibier
Les dégâts occasionnés par les lapins de garenne
Les dégâts de gibier occasionnés aux cultures
Les arrêts relatifs aux dégâts de gibier, de 1778 et 1779
Les plaintes à l'égard des gardes-chasse
Les plaintes contre la chasse et les capitaineries
II Les cahiers de doléances
Le corpus
Extraits des cahiers de doléances
Analyse chiffrée des sujets ayant trait à la chasse
La répartition spatiale des plaintes
III Foules et revendications
Troisième partie
La chasse sous la Révolution
I L'abolition des privilèges
La suppression du droit exclusif de chasse
II Passions cynégétiques et suppression des capitaineries
Le décret du 22 avril 1790, premier réel cadrage pour la chasse
III Nouvelles questions, nouveaux débats et droits
Un vide juridique concernant la pratique de la chasse
Le décret du 22 avril 1790, premier cadre réel pour la chasse
La chasse sous la Révolution : une pratique désordonnée et peu contrôlée à la limite du braconnage permanent
De l'époque napoléonienne à 1844 : la construction progressive d'un appareil juridique encadrant la chasse
Conclusion
Annexes
Réflexions sur les chasses et les capitaineries
Cartes
Capitainerie de Fontainebleau
Capitainerie de Saint-Germain-en-Laye
Capitaineries de Corbeil et de Sénart
Capitainerie de la varenne du Louvre et parcs de Meudon et Chaville
Capitainerie de Vincennes
Capitainerie de Compiègne
Capitainerie de Halatte
Capitainerie des Tuileries, du bois de Boulogne, château de Madrid et La Muette
Capitainerie de Montceaux et plaines de Meaux
Bibliographie & sources
Sources imprimées contemporaines
Ouvrages généraux et usuels
Études spécialisées
Documents des Archives nationales
Cartes
EXTRAIT
La pratique quasi tolérée d'une chasse non noble sous l'ancien régime
Bien que les dispositions législatives proscrivent l'exercice roturier de la chasse, tout laisse à penser que, dans le bassin parisien, des exploitants aisés et des roturiers, bourgeois ou non, ont pu s'adonner à des formes de chasse pour lesquelles ils bénéficiaient de tolérances tacites.
Une frange de la bourgeoisie côtoyait de par son assise dans la société d'ordre — aux contours de plus en plus flous à mesure que l'on s'avance vers la fin de l'ancien régime — une partie de la noblesse. Dans le cadre de ces modes de vie convergents, d'échanges et d'invitations, des bourgeois aisés ou en voie d'anoblissement furent conviés à suivre des chasses nobles, ou à y participer. Au-delà de ces occasions ponctuelles, de riches bourgeois vivant noblement ont également pu profiter avec régularité des opportunités offertes par les officiers des capitaineries qui affermaient des cantons de chasse éloignés des demeures et lieux fréquentés par le roi lors de son séjour dans les capitaineries comme certains témoins le rapportent.
Historiquement, une ordonnance de Charles VI datant de 1366, avait autorisé la chasse aux « bourgeois vivant de leurs rentes ». En 1601, une nouvelle ordonnance supprime cette disposition. Il n'en demeure pas moins qu'à l'aube de la Révolution un « marchand ou tout roturier possédant fief ou haute justice peut chasser et permettre à ses enfants ou amis de chasser sur ces terres ». Si le nombre d'intéressés fut vraisemblablement restreint, on voit bien qu'une certaine perméabilité des règlements, voire des aménagements négociés au cas par cas, a profité à des bourgeois avertis et aisés qui ont pu jouir d'une activité cynégétique — discrète car marginale et donc peu connue — sous l'ancien régime.
Bien que l'affermement du droit de chasse ait en principe été interdit, il était bien pratiqué et permettait à des roturiers aisés de chasser sur les grands domaines agricoles, dans les plaines céréalières ou dans les grands massifs boisés d'Île-de-France. Des arrêts réitérant cette interdiction ont régulièrement été pris, illustrant bien que les dispositions originelles restrictives étaient outrepassées.
Une certaine tolérance encadrait et limitait une pratique trop ouverte de l'affermement du droit de chasse. Cette tolérance constituait de facto une soupape de sécurité permettant aux uns de chasser et aux autres de percevoir une rémunération, mais générant aussi un flou aux contours variables.
Certains modes de chasse particuliers et n'entrant pas en concurrence directe avec les modes de chasse noble, par essence ostentatoires, étaient ainsi affermés par des propriétaires terriens et tolérés par le pouvoir. Celui-ci préférait légaliser et encadrer certaines pratiques précises et ainsi canaliser la chasse plutôt que d'avoir à lutter contre un braconnage d'ampleur qui aurait entraîné des tensions perpétuelles et incontrôlables. Ainsi J. Henriquez précise dans son Dictionnaire raisonné du droit de chasse, ou Nouveau code des chasses paru en 1784 qu'il « est défendu de l'affermer [la chasse] et de la comprendre dans le bail d'une terre mais qu'il est permis de louer la chasse aux lapins dans les garennes, considérée comme un objet de profit et de revenu et non comme un droit honorifique... qu'il est... permis de louer la chasse aux oiseaux de passages tels que les oies sauvages, canards, bécassines, pluviers, vanneaux... [et] ...que l'on considère comme un revenu casuel dont on ne peut tirer du profit que pendant quelques mois de l'année ; d'ailleurs, cette chasse ne se fait que sur les rivières, étangs et dans les endroits marécageux dès lors il n'y a pas lieu de craindre que ceux à qui on l'a louée tirent sur le gibier ordinaire... »
Certains roturiers bénéficiaient de ces dispositions pour pratiquer des types de chasse qui n'entraient pas directement en concurrence avec les modes cynégétiques nobles. Dans le droit fil de ces dispositions, un fermier pouvait être autorisé par le seigneur de fief à chasser . Il existait dans ces cas des formes d'accord entre les deux parties concernant la fourniture de gibier en échange du droit de chasse. Ce type de cession du droit de chasse pouvait également intervenir entre un seigneur de fief ou haut-justicier valétudinaire et un chasseur dont il était responsable, à condition de faire enregistrer cette décision au greffe de la maîtrise.
On voit que des tolérances et des déclinaisons locales permettaient de déroger au cadre législatif de l'ancien régime restrictif si l'on considère uniquement les fondements généraux de ce dernier.
Il existait bien, à l'aube de la Révolution, des formes de chasse roturières tolérées et dont les limites mouvantes reposaient sur des dispositions législatives circonscrites, des niches, que les usages locaux fondés sur des rapports de force, mais aussi le pragmatisme des acteurs en présence intégraient avec plus ou moins de discrétion et d'habileté à leurs profits respectifs. On peut aussi rappeler que les pratiques et les tolérances étaient différentes selon les provinces, puisque dans certaines régions du sud-ouest du royaume par exemple, les tolérances en matière de chasse étaient beaucoup plus lâches que dans d'autres. Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'aujourd'hui encore cette région est particulièrement attachée à ses particularismes locaux et qu'une forte pratique cynégétique y perdure.