Ce livre retrace l'histoire d'un des chasseurs d'expérience les plus connus de l'est africain. Qui d'autre pourrait mieux que lui se flatter d'y avoir vécu trente-cinq ans en contact continu avec les bêtes sauvages, d'y résider en permanence au milieu d'elles ? Temple-Perkins possède à son actif sept records de l'Ouganda. Il compte un nombre incalculable d'éléphants, de lions, de buffles abattus pour la protection de la vie et des biens des Africains.
Je ne suis pas absolument sans expérience en matière de grande chasse. J'ai, pendant trente ans, tiré en moyenne un tigre par an. Et je n'écris pas ces lignes que par oui dire, ayant eu en 1938 le privilège d'accompagner l'auteur dans une expédition montée pour prendre des photographies de gros gibier. J'ai eu plusieurs fois l'occasion, au cours de cette expédition, d'admirer sa connaissance remarquable des animaux sauvages, d'admirer son sang-froid dans des circonstances extrêmement dangereuses, sa profonde compréhension de la vie même du gibier.
Bien des livres ont été publiés sur la grande chasse en Afrique orientale. Personne n'en a jamais écrit avec une compétence comparable à celle de T.-P.” qui, comme moi, préfère du reste maintenant, et de loin ! chasser armé d'une camera plutôt que d'un fusil.
Il me faut ajouter un mot pour terminer. Sa modestie est si grande qu'il n'aurait certainement jamais écrit ce livre si je n'avais sans cesse insisté pour qu'il le fît. Il ne serait pas concevable que son expérience inégalable n'en rende la lecture extrêmement attrayante et d'un enseignement des plus profitables pour quiconque entreprendrait de s'aventurer à goûter les joies fascinantes de l'art cynégétique dans ces régions.
Colonel sir James L. Sleeman
Il m'aurait été agréable de voir ce livre publié avec une monumentale collection de photos que j'aurais prises sur le vif. La photo, malheureusement, n'est pas mon fort. C'est un fait. Je suis trop absorbé d'ordinaire, à portée du gibier, par les animaux eux-mêmes, leurs attitudes, leurs façons de faire, pour m'y retrouver dans les subtilités de la mise au point.
J'ai maintes et maintes fois conduit en brousse de fort habiles photographes. Dans ces cas-là, j'ai toujours eu pour unique préoccupation la sécurité des visiteurs, avant toute chose.
Une fois, une seule, l'idée me vint bien de m'y mettre à mon tour muni de tout l'équipement requis, avec un énorme reflex en particulier qui me pendait au cou comme une meule de moulin. Ce fut pour ma plus grande confusion.
J'avais réussi à passer plus d'une heure entière au milieu d'un troupeau de cent cinquante éléphants, mais me fis sérieusement bousculer par une femelle ayant pris peur et pressée de prendre du champ ! Le précieux appareil chut au sol avec moi. Revenu vers le troupeau un moment plus tard, je me remis en action sous une meilleure lumière. Le déclic manœuvré une bonne vingtaine de fois, je me voyais déjà à la tête d'une des plus belles collections jamais produites de photos d'éléphants montrés sous les attitudes les plus saisissantes à très courte distance. Quelle ne fut pas ma déception, après avoir envoyé les films à Kampala pour y être développés et avoir attendu des jours interminables, de ne trouver au retour que deux clichés dans les épreuves au lieu de vingt< ? La chute causée par la poussée négligente de l'éléphante avait endommagé l'obturateur de mon reflex !
Cette mésaventure mise à part enfin, j'ai toujours trouvé le déclic de l'obturateur trop bruyant pour opérer de près et l'appareil trop encombrant pour mon goût. Si bien que je me suis contenté par la suite de quelques prises de vues occasionnelles avec un petit appareil.
Je ne suis pas chasseur professionnel, n'ai nulle envie de le devenir. J'apprécie trop ma solitude de broussard, étant du reste un chasseur fort peu sociable. Je ne chasse jamais, invariablement, que seul. Puis les expéditions en grand équipage : pas moins de quatre carabines, une meute... ne sont pas dans mes goûts. J'apprécie par contre de passer un jour ou deux en compagnie d'un aimable photographe.
La grande chasse est ma marotte depuis plus de trente-cinq ans. Ceci ne s'en est pas moins combiné avec trente-sept années de service que je crois estimables, dans l'administration coloniale. Simple parenthèse destinée à telles personnes qui, ayant lu de mes articles dans la presse locale, se sont parfois inquiétées de savoir s'il m'était jamais arrivé de travailler, si peu que ce soit !
Le colonel Sleeman a bien voulu écrire une préface à ce livre. Il a chassé en Afrique et en Asie. C'est un excellent photographe. Je lui suis reconnaissant d'avoir eu souci de faire cette préface. Je la considère comme un témoignage de la longue amitié nous unissant et qui se projette sur plus d'années encore que je n'en ai passées en Afrique.
Le colonel Sleeman a précisé que je vivais encore parmi les bêtes. C'est exact. Je me suis retiré dans une petite case bâtie sur le bord d'un escarpement dominant une partie de la longue coupure qui fait communiquer, d'ouest en est, le lac Édouard avec le lac George, au sud de la chaîne du Ruwenzori. La vue porte sur la vallée s'étendant à 150 m au-dessous : un panorama de 180°. On aperçoit les montagnes à une distance de 40 km, juste en face, en direction du nord. Les collines du Congo apparaissent à 72 km à l'ouest. Vers l'est, l'escarpement se prolonge au loin jusqu'au lac George. De grands troupeaux d'éléphants, de buffles, d'autres gibiers encore, sont visibles une grande partie de l'année. Je puis les observer chaque jour de ma véranda lorsque je ne suis pas en expédition. Cette magnifique contrée est presque entièrement comprise maintenant dans le périmètre du parc national Reine Élisabeth.
E. A. Temple-Perkins
au royaume des éléphants”
Kichwamba, Ouganda
TABLE DES MATIÈRES
Préface
Colonel sir James L. Sleeman
Introduction
I Pourquoi donc tuer des éléphants ?
II Le monarque
III Premières chasses
IV Singularités d'éléphants
V Les rhinocéros blancs
V Gibier dangereux
VII Le lion, roi des animaux ?
VIII Le buffle, fieffé démon ?
IX Rhinocéros et panthère
X Mimétisme problématique ?
XI Les journées de Kichwamba
XII La bilieuse hématurique
XIII One more infortunate...
XIV Hip, hip, hip... les hippos !
XV Larmes de crocodiles
XVI De tout un peu
XVII Chaque bâton, un serpent
XVIII Tirer sans tuer
XIX La première chasse de Son Altesse
XX Un éléphant sans queue
XXI Les crocodiles de Nabougabo
XXII Gros gibier à l'hameçon
XXIII Post mortem
XXIV Mythes, mystères et monstres
XXV Le coup vital
XXVI Mesures de protection
XXVII Plus jamais